Yoga, sophrologie et dieu

Vous connaissez la grande différence entre le yoga et la sophrologie ? Non, ce ne sont pas les postures. Non, ce ne sont pas les exercices de respiration ! Non ce ne sont pas les techniques de sophronisation…  

Conçue par un neuropsychiatre, Alfonso Caycedo, la sophrologie, à l’instar de la méditation de pleine conscience, de la respiration de cohérence cardiaque, du Irest, sont des dérivés du yoga mis au goût du jour par le corps médical. Bien sûr, cela a du bon. La technique est vulgarisée. Des médecins s’en emparent et vantent ses bienfaits pour la santé. 

La pratique devient du coup accessible pour le  grand public. Dans le meilleur des cas, des études scientifiques apportent des preuves indiscutables sur le pourquoi du comment. Et adieu tout le folklore qui existait autour du maître de yoga : adieu mantras, mudra, kirtan, encens et musique. Les électrodes remplacent maintenant le mala.  

En  outre, en France, dès que cela parle de dieu, de divin ou de spiritualité, il n’est pas de bon ton de partager ses croyances à tout va, cela donne un air sectaire à tous les coups. Le médecin, lui, donne un ton laïque irréprochable. Et la technique yoguique continue à faire du bien.. Mais à mon sens, et cela ne regarde que moi, on l’impute de sa plus grande force et vitalité.

Mais, il y a une raison historique à cela. L’affaire Dreyfus et auparavant les abus du pouvoir et les atrocités liés aux guerres de religion sont passées par là. Donc, il est devenu très compliqué de parler de dieu dans l’hexagone. Dieu fait partie de la sphère privée et même archi-privée ou de petits cercles de pratiquants, reliés ou non à une religion officielle ou non, sectaire ou non.Ce qui est étrange dans ce pays, c’est que dès que l’on traverse les frontières, il existe des pays où Dieu ou juste son concept n’est pas aussi tabou : de l’autre côté de l’Atlantique, les Américains clament sans rougir nullement “En dieu, nous croyons” et c’est la devise du pays ! Bien sûr, il existe toujours le problème du dieu adoré. Il est quand même de meilleur ton d’appartenir à une communauté de protestants blancs, même si aujourd’hui, toutes les communautés se battent pour relever l’échine. 

J’ose utiliser ce mot tabou, car dieu, au même titre que la mort, fait partie à mon sens des sujets les plus difficiles à aborder en public en France. Je ne me plains pas : il existe des pays pires que la France en la matière. Il existe certes des cours de yoga totalement “laïques“ en France, aseptisés complètement de toutes traces de spiritualité. On peut l’enseigner ainsi comme yoga qui fait du bien, un yoga santé donc, au même titre que la mindfulness.Mais à mes yeux, il lui manquera toujours la dimension la plus essentielle : celle qui donne du sens à la vie, celle qui peut aider les plus démunis à relever la tête et à avancer à nouveau.

Le yoga s’inscrit dans le courant de la philosophie védique qui a fait le terreau de la religion hindouiste. Et pourtant le yoga n’est pas une religion, mais un courant spirituel si on le souhaite. La différence ? Le yoga n’est pas dogmatique, il donne une explication et on la vérifie dans la pratique. Il dit que Dieu est à l’intérieur de nous, nulle part ailleurs, dans le silence de nos cœurs, de notre être. Quand le bruit mental cède la place au silence du cœur, l’expérience possède un caractère sacré. Ne dit-on pas que le silence est d’or ?  

 Une partie de la société a trouvé le moyen de contourner dieu. Dans le vocabulaire utilisé, on retrouve des expressions comme la conscience universelle, l’intelligence universelle, le cosmos, la force de l’univers… mais tous ces mots là ne désignent-ils pas, comme dieu, quelque chose de plus grand, de plus vaste, de plus fort… Quelque chose qui nous dépasse, quelque chose qui orchestre ce que l’homme ne parvient pas à comprendre… ? Et il y a du bon à cela également. Le concept sans nom réunit… la forme divise. On peut comprendre et saisir le concept et chacun y ajoute sa subjectivité avec la forme. Voilà pourquoi tous les maîtres de yoga du 20ème siècle ont répété que toutes les religions et croyances s'allient à merveille avec le yoga, car toutes les croyances y sont permises.

Croyez-moi, quand on étudie l’histoire à travers les traumatismes, une chose est sûre, ceux qui s’en sortent le mieux, les plus résilients ont une foi. Ils s’inscrivent dans la transcendance. “Le psychiatre Viktor Emil Frankl avait 40 ans lorsqu’il a été libéré du camp de concentration d’Auschwitz où il était resté plus de 6 mois, après plus de 3 ans de détention dans d’autres camps. De cette expérience dans des situations de vie inhumaine et sans nom, étonné, il a observé, que ce n’était pas les plus robustes et les plus actifs qui survivaient le plus , bien au contraire, ils succombaient en premier… Face à l’absurde, les plus fragiles avaient développé une vie intérieure qui leur laissait une place pour garder l’espoir et questionner le sens”*.

La sophrologie peut atteindre la transcendance ou pas. Tout est une question de choix et de respect des croyances... l'adaptation, quoi !

*cit p157 Stress post-traumatique, les solutions naturelles, Mila RIVAULT. Editions Leduc
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